La vie de Saint Memmie.
LA TRADITION:
Elle rapporte que Saint Memmie était issu d'une famille païenne de Rome. Accompagné du diacre Donatien et du sous - diacre Domitien, il atteignit la cité, aurait d'abord été rejeté par les habitants. Tout changea lorsque le fils du gouverneur de Châlons, qui s'était noyé dans la rivière du Nau, fut ressuscité par l'intercession de Saint Memmie, c'est alors qu'il fit une entrée triomphale dans la ville, accomplit plusieurs miracles, convertit un grand nombre d'habitants et prit possession des lieux de culte païens ... Son tombeau aurait été oublié puis retrouvé miraculeusement au 7ème siècle.
Donatien puis Domitien lui auraient enfin succédé dans la fonction d'évêque du lieu.
L'HISTOIRE :
Elle dit que Memmie fut envoyé par l' Evêque de Reims pour évangéliser Châlons.
Il a sans doute vécu au 4ème siècle et fut le 1er évêque de cette ville. Lorsqu'il mourut, son corps fut inhumé sur cette colline nommée Buxerre, où se trouvait un des cimetières de le ville antique. C'est là que naquit une dévotion autour des dépouilles du Saint auquel on prêtait une grande puissance d'intercession. L'existence d'un pèlerinage est attestée par Grégoire de Tours dès la seconde moitié du 6ème siècle.
FÊTES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 1ère partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale (1)
Le mardi 5 août 1879, deux pages glorieuses sont venues s’ajouter aux annales du diocèse de Châlons, par la consécration de l’église de Saint Memmie et par la translation des précieux restes de ce saint apôtre de Châlons dans le nouveau sanctuaire qui lui est dédié.
I.
C’est aux temps même apostoliques, au premier siècle de l’ère chrétienne, que la tradition de l’Eglise de Châlons place la mission de Saint Memmie.
Saint Pierre, selon les uns, Saint Clément, selon les autres, chargea Memmie, patricien romain converti au christianisme, d’aller porter la lumière de l’évangile à cette partie de la Gaule que nous habitons.
Il partit en même temps que Denys, apôtre de Paris, Sixte de Reims, Sinice de Soissons, Lucien de Beauvais, Savinien de Sens, Mansuet de Toul, Eucher de Trêves.
Deux clercs accompagnaient Memmie pour le seconder dans ses travaux apostoliques, Donatien et Domitien ; la Providence les avait marqués pour succéder à leur maître sur le siège de Châlons.
A peine sorti de Rome, Memmie se voit privé du secours de son sous-diacre : Domitien est frappé et meurt dans les bras de son maître. Mais la prière confiante de l’apôtre obtient de Dieu un premier et éclatant miracle : Domitien ressuscite pour continuer sa route avec Memmie.
Ils arrivent enfin tous les trois aux portes de Châlons. Châlons était une ville romaine, un gouverneur romain y résidait, l’ancien paganisme était l’unique religion de ses habitants. Que d’obstacles pour y faire entrer Jésus-Christ !
Memmie leur prêche néanmoins le Saint Evangile, mais il n’est point écouté : il insiste, on le repousse violemment ; il est obligé de se réfugier dans un bois voisin de la ville nommé Buxerre (Buxeria ou Buxerra) ; il s’y fait une pauvre « chaumine » où il attend avec patience que l’heure des miséricordes divines ait sonné pour ce peuple incrédule, hâtant cette heure par la ferveur de ses prières.
1 - Ce compte-rendu a paru dans le Journal de la Marne, n° des 14, 16 & 18 août. Le Bulletin du diocèse de Reims
l’a reproduit intégralement dans le n° du 23 août.
FETES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 2ème partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale
L’attente fut longue pour son cœur d’apôtre, elle dura plus d’un an. Mais voici qu’un douloureux accident fait redemander le saint par ce peuple rebelle. Le fils du gouverneur de Châlons, son fils unique, vient de périr : il s’est noyé en voulant traverser sur un pont une petite rivière, le Nau (Nauta ou Nauda) qui coule au levant de la ville. Memmie accourt. Le gouverneur le conjure de prier le Dieu qu’il annonce : on croira à sa doctrine s’il peut rendre à la vie le malheureux enfant qui a péri.
Et Memmie de prier sur le corps du pauvre noyé et de le ressusciter sous les yeux de la foule.
Le triomphe de la foi chrétienne est désormais assuré, les portes de la ville sont ouvertes à Memmie et à ses clercs. Memmie prêche librement ; les miracles se multiplient sous ses pas et bientôt, le gouverneur et sa famille, la ville tout entière reçoit le saint baptême et devient chrétienne.
Cependant, Pome, sœur du saint, également convertie à la foi de Jésus-Christ, a reçu la nouvelle du merveilleux apostolat de son frère à qui la ville de Châlons ne saurait plus suffire.
Elle accourt à Châlons : il y a 7 ans qu’elle ne l’a serré dans ses bras. Elle accourt moins cependant pour jouir de son amitié fraternelle que pour avoir sa part dans la mystique moisson. Déjà Pome et Memmie n’étaient qu’un cœur et qu’une âme, désormais, ils partageront la même vie.
Pome devient la coopératrice des œuvres du saint apôtre et comme le vicaire de sa charité. Dieu même va lui donner, comme à Memmie, le don de guérir les malades et de ressusciter les morts. Le trépas ne saura les séparer : le même tombeau, le même reliquaire réunira leurs restes précieux.
Memmie aimait souvent à se retirer à Buxerre, il y avait fondé un collège de clercs : c’est dans cette solitude qu’il marqua son tombeau. Après un très long épiscopat, il alla recevoir au ciel le prix de ses travaux. Mais son œuvre ne périssait pas avec lui : il laissait pour lui succéder, Donatien qu’il avait consacré évêque et Domitien devait s’asseoir à son tour, comme troisième évêque de Châlons, sur un siège illustré par tant de vertus.
Donatien et Domitien furent ensevelis à droite et à gauche de Memmie, leur maître, dans ce bois de Buxerre, à l’endroit même ou s’élève l’église qui vient d’être consacrée.
FETES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 3ème partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale
Tels sont les trésors glorieux que nos pères ont vaillamment défendus contre la barbarie et contre l’oubli. Dieu surtout y a puissamment travaillé par les miracles incessants qui s’accomplirent au tombeau de notre saint. Cette gloire posthume n’a jamais manqué à Saint Memmie. Déjà, au VIème siècle, elle retentissait au loin. Saint Grégoire de Tours nous parle de la puissance de Saint Memmie, non seulement pour en avoir été témoin, mais pour l’avoir lui-même ressentie. Il était venu visiter, en pèlerin, le tombeau de Saint Memmie.
Au XIIIème siècle, le renom de notre grand thaumaturge était encore dans tout son éclat. Le martyrologe des chanoines augustins de l’abbaye châlonnaise de Toussaint, après avoir mentionné les miracles que Saint Memmie a faits pendant sa vie, nous parle de son tombeau toujours glorieux par le très grand nombre de merveilles qui s’y opèrent.
Nombreux encore étaient ces miracles de nos saints, en 1303, puisque le Saint Pape Benoît XI les mentionne dans une bulle d’indulgences en faveur de l’église de Saint Memmie.
Et en 1624, quand Henri Clausse de Marchaumont, évêque de Châlons, ouvrit les châsses de Saint Memmie et Sainte Pome, de Saint Donatien et de Saint Domitien, il y eut comme une nouvelle floraison de miracles, discutés soigneusement alors et reconnus authentiques.
Cependant, depuis plus de trois siècles, le tombeau de Saint Memmie avait perdu la couronne architecturale que lui avaient donnée nos pères. Aux approches de l’armée de Charles-Quint, en 1543, la magnifique église du XIème au XIIIème siècle qui remplaçait celle qu’avaient ruinée les Normands, avait dû, à son tour, disparaître : les besoins de la défense de la ville avaient imposé ce douloureux sacrifice[1]. Le danger passé, à côté de l’emplacement de l’ancienne église, on avait élevé une église provisoire dans une partie des bâtiments de l’ancienne abbaye de Saint Memmie. Mais cette église était une pauvre masure : elle n’inspirait que la pitié. Il était temps pour le grand apôtre de Châlons de retrouver une demeure moins indigne de lui.
[1] C’est sous l’abbatiat de Edmond SORET ou SOREL, le dernier des abbés réguliers de Saint Memmie, qu’eut lieu la destruction de la belle église, construite du XIème au XIIIème siècle. Edmond SORET fut abbé de 1540 à 1562 ou 1563. Après lui, s’ouvre la triste période des abbés commendataires dont les premiers, au témoignage du Gallia qui en fournit les preuves, furent bien plus des mercenaires que des pasteurs.
FÊTES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 4ème partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale
Ce dessein de restauration, Dieu l’inspira à Mgr Meignan dès son arrivée parmi nous. Avec le sentiment des Machabées, témoins désolés des ruines du temple de Jérusalem, il avait vu l’emplacement de l’ancienne église de notre apôtre envahi par l’herbe et par les broussailles, il avait constaté une telle pauvreté dans le temple provisoire qui durait depuis trois siècles, que le culte de Saint Memmie finissait par être délaissé. Son cœur en avait été douloureusement ému. Et s’adressant à ses diocésains : « mettons-nous à l’œuvre, leur avait-il dit, comme autrefois Judas Machabée à ses compagnons, en face de la désolation du Temple ; allons relever le sanctuaire de notre premier apôtre ».
L’appel du Pontife fut entendu. La cause qu’il plaidait était la cause de la piété filiale, la cause même de la civilisation : la vraie civilisation ne date partout que de l’introduction du christianisme. La somme élevée des dépenses nécessaires pour réaliser l’œuvre pouvait seule faire obstacle : mais du temps, que n’obtient-on pas ? Et l’association des cœurs et des ressources ne fait-elle pas le reste ?
On ouvrit des souscriptions, on fit des quêtes. Le clergé et les fidèles, la fabrique et la commune de Saint Memmie, l’Etat fournirent chacun leur contingent et les sommes qui furent recueillies produisirent, en se totalisant, le moyen de commencer l’œuvre en novembre 1877 et de la consommer en ces derniers jours.
Tout est fini, pour le gros œuvre du moins. Une belle église, dans le goût du XIIIème siècle, succède à l’église provisoire qui va bientôt disparaître. Une jolie flèche, bien élancée, dont les lucarnes n’attendent plus pour complément que leur revêtement de plomb, marque à l’horizon la place même où mourut et fut enseveli Saint Memmie ; elle indique ce tombeau, source de merveilles, où nos pères venaient honorer les cendres immortelles de notre premier Evêque et nous invite, dans son langage symbolique, à venir implorer, à notre tour, les effets de la protection de Saint Memmie.
L’église nouvelle, avec sa belle ordonnance et ses riches sculptures, nous laisse donc moins regretter le premier monument [1]. Et la consécration vient de s’en célébrer avec une pompe dont n’avait peut-être pas été témoin l’église du XIIIème siècle.
En lisant, au premier livre des Machabées, ce beau cérémonial suivi par les vaillants d’Israël pour rendre au temple de Jérusalem son ancienne majesté, on croirait avoir sous les yeux l’histoire même de la cérémonie religieuse accomplie dans la matinée du 5 août à Saint Memmie.
[1] D’après un mémoire du XVIIème siècle, l’ancienne église, démolie en 1543, avait 30 toises de longueur et 10 autels
FETES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 5ème partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale
Six pontifes y assistaient : nos Seigneurs Langénieux, archevêque de Reims ; Meignan, évêque de Châlons ; Hacquart, de Verdun ; Foulon, de Nancy ; Thibaudier, de Soissons et Hasley, de Beauvais. Mgr l’archevêque de Reims présidait, comme métropolitain : Mgr de Châlons lui avait laissé l’honneur de consacrer la nouvelle église. Sa Grandeur s’était réservé la consécration de l’autel du Tombeau qu’il allait accomplir, tandis que NN, SS, de Verdun et Nancy consacreraient, le premier, l’autel du Sacré Cœur, au côté de l’Evangile, le second, celui de Notre Dame de Lourdes, au côté de l’Epître.
Le cortège sortait à sept heures et demie du Petit Séminaire diocésain. Le Petit Séminaire de Saint Memmie s’élève, on le sait, sur l’emplacement de la célèbre abbaye des chanoines réguliers de Saint Augustin, gardiens depuis 1131 jusqu’en 1793 des précieuses reliques de notre premier apôtre et des ses compagnons.
Les évêques étaient accompagnés chacun de leurs vicaires généraux ou de dignitaires qui leur avaient été adjoints. Le Prélat consécrateur avait pour premier assistant M. Juillet, vicaire général de Reims et pour second, M. Le Rebours, curé de Sainte Madeleine de Paris et vicaire général honoraire de Châlons. Mgr Meignan était entouré de ses deux vicaires généraux, M. Deschamps et M. Pannet. Mgr Foulon de Nancy avait à sa droite M. Alips, curé archiprêtre de Meaux, enfant de Saint Memmie et, à sa gauche, M. Quinard, promoteur du diocèse de Paris. Un nombreux clergé, venu de tous les points du diocèse de Châlons et de diocèses voisins, à la tête desquels MM. les chanoines titulaires et honoraires de la cathédrale, MM. les archiprêtres et doyens du diocèse, imprimait à cette assemblée un caractère imposant.
Les fidèles étaient accourus aussi en nombre très considérable ; au pieux empressement, à la religieuse attitude de l’assistance, on sentait le prix que tous attachaient à cette cérémonie.
Si elle avait eu lieu un jour férié, la foule aurait été encore trois ou quatre fois plus grande. Mais cette date du 5 août n’avait pas été choisie sans dessein par Mgr de Châlons pour la dédicace de la nouvelle église de Saint Memmie.
Le 5 août est le jour même où le Martyrologue Romain a inscrit la naissance au ciel du bienheureux Memmie, notre apôtre : « A Châlons, en France, le trépas de Saint Memmie, citoyen romain, qui, consacré évêque de cette cité par Saint Pierre, amena son peuple à la connaissance de l’Evangile ».