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FETES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 6ème partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale
Quand le cortège des Evêques fut arrivé aux portes du nouveau temple, Mgr Langénieux procéda à la consécration. La liturgie catholique, admirable en toutes ses parties, n’a rien de plus imposant que ce cérémonial. Quelle idée de la majesté de nos temples nous est donnée par ces exorcismes, ces bénédictions, ces onctions, ces rites de toute sorte qui entrent dans leur consécration ! Que l’autel apparaît grand surtout ! Le temple n’existe que pour lui : l’autel en est le terme ; c’est sur sa table que le Saint Sacrifice sera offert, là où seront déposés les vœux des fidèles avec leurs oblations vénérables. Aussi, que de prières, que d’antiennes, que de psaumes à réciter, que d’aspersions et d’encensements et d’onctions à faire pour préparer l’autel à ces saints usages !
Les ossements des saints sont l’élément indispensable de toute consécration d’autel. La sainte liturgie en fait ressortir le rôle important : pour aller prendre les reliques des saints qui seront placées dans l’autel, elle organise une procession des plus solennelles : tous les assistants y participent ; et, dans le parcours, les chants sacrés acclament les saints dont on porte les reliques, comme les éternels témoins du Saint Sacrifice, comme les infatigables intercesseurs du peuple chrétien. Pas d’autel où ces précieux restes ne soient introduits ; depuis le temps des martyrs, l’Eglise n’en a jamais édifié aucun que sur le corps des saints. La permanence traditionnelle des rites chrétiens éclate surtout dans la consécration des églises. Que d’enseignements s’en dégagent !
Ils devenaient plus lumineux encore, le 5 août par la manière dont ces rites étaient accomplis. Impossible d’y apporter plus de dignité que Mgr l’archevêque de Reims. On ne peut oublier la majesté facile et grave de son attitude : on sentait qu’il préparait un trône à Dieu même, un autel à la divine Victime qui renouvelle chaque jour, sous nos yeux et pour nous, son sacrifice immortel.
Dès qu’il est consacré, l’autel reçoit immédiatement son auguste destination : le Saint Sacrifice est offert. Mgr Thibaudier, évêque de Soissons avait bien voulu se charger de célébrer la première messe.
Avant qu’elle commençât, Mgr Meignan monta en chaire. Il tardait au vénérable pontife d’exprimer à tous, la joie qui débordait de son âme pour l’heureux succès de sa grande entreprise. Sa Grandeur remercia d’abord Mgr le Métropolitain et ses illustres collègues accourus, à son invitation, pour rehausser par leur présence cette fête de famille. Et, pour raviver la confiance de son peuple envers Saint Memmie, Monseigneur exposa l’antiquité et la célébrité du pèlerinage de son Tombeau et les grâces merveilleuses que les pèlerins y avaient toujours trouvées en récompense de leur foi.
FETES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 7ème partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale
Sa Grandeur voulut aussi remercier le clergé et les fidèles de leur généreuse participation à cette reconstruction ; l’ancienne et la nouvelle administration de la commune de Saint Memmie où son projet avait rencontré tant d’écho et tant d’appui ; le Petit Séminaire dont MM. les professeurs avaient été les zélés organisateurs de la fête et enfin MM. les architectes qui avaient réalisé les vues du Prélat avec un art si consommé.
Le pasteur récemment enlevé à l’affection de son troupeau ne pouvait être oublié. Commencée avec lui, l’église s’était achevée sans lui. Dieu l’avait appelé, a dit Monseigneur, comme Moïse aux portes des la Terre promise, il mourait sans avoir vu consacrer un édifice qui lui avait coûté tant de soins et de peines.
La messe fut célébrée ensuite, avec accompagnement de chants exécutés par la chorale de Saint Memmie.
Au moment où le cortège se reformait pour reconduire NN. SS. Les évêques au Petit Séminaire, M. l’abbé Pannet, en sa qualité d’archidiacre de Saint Memmie annonça que le pontife consécrateur accordait 100 jours d’indulgence aux fidèles qui avaient assisté à la consécration de l’église et que, chaque année, une indulgence de quarante jours serait gagnée par les fidèles qui visiteraient l’église à pareil jour.
Touchant rapprochement que nous ne pouvions nous empêcher de faire ! En 1200, au moment où s’achevait l’église consacrée dès 1097, un prédécesseur de Mgr Langénieux, Guillaume-aux-Blanches-Mains, archevêque de Reims, proposait quarante jours d’indulgence à ceux qui aideraient les moines à terminer leur magnifique église de Saint Memmie. Reims et Châlons ont toujours été étroitement unis : nous pourrions en fournir bien d’autres exemples, mais en est-il besoin ? Peut-il y avoir union plus étroite que l’union de la fille et de la mère ?
Après la cérémonie du matin, un banquet réunit au Petit Séminaire, NN. SS. les évêques, M. le préfet de la Marne et M. le secrétaire général de la préfecture, M. Faure, maire de Châlons et député de la Marne, M. le maire et MM. les conseillers municipaux de Saint Memmie, les principaux membres du clergé du diocèse, des magistrats, des notabilités de la ville et du département.
A la fin du repas, plusieurs toasts furent portés : par Mgr l’évêque de Châlons, par M. le préfet, par M. Faure et par M. le maire de Saint Memmie.
FETES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 8ème partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale
Remerciements au clergé et aux fidèles, aux chefs des diverses administrations, aux architectes, à tous ceux qui ont contribué à la réussite de l’œuvre ; souvenir bien exprimé d’estime et d’affection au bon pasteur qui, après avoir secondé l’entreprise, est allé dans le ciel recevoir la récompense de ses travaux, tel fut, en résumé, le toast de M. le maire de Saint Memmie, toast qui fut très goûté.
La grande salle des exercices, où le festin fut servi, est une pièce magnifique. Elle était ornée, pour la circonstance, d’une façon exquise, avec beaucoup d’à-propos. Au fond de la salle, dominant les convives, l’image du Christ, encadrée de fleurs ; à droite et à gauche, sur les murs de la salle, entre chaque fenêtre, les armes des six évêques, accompagnées de leurs devises et entourées de verdure et de banderoles.
A l’intérieur, comme à l’extérieur, les décorations étaient l’œuvre de messieurs du Petit Séminaire. On a fort remarqué les devises des oriflammes qui pendaient aux arcs de triomphe, aux guirlandes, aux mâts sans nombre dont la façade du séminaire et les rues du village étaient ornées. Nous aurons bientôt à y revenir.
Mais là ne pouvait se terminer la solennité : elle allait continuer dans les belles cérémonies du soir, avec le même soleil splendide, avec un concours encore plus grand de prêtres et de fidèles, avec la même allégresse pour tous.
La nouvelle sonnerie bénite peu de jours avant la fête par Mgr l’évêque de Châlons, annonçait, joyeuse, la grande cérémonie du soir.
Il était 3 heures. C’était l’heure fixée par le programme de la fête pour la translation des reliques de Saint Memmie et Sainte Pome, de Saint Donation et de Saint Domitien.
Saint Memmie et Sainte Pome ont chacun leur châsse particulière ; une seule et même châsse réunit les ossements des deux successeurs immédiats de notre saint apôtre.
Combien ces lourds coffres de bois doré, où l’ornement est si rare et d’où l’art est totalement absent, rappellent mal les riches reliquaires où reposaient les corps de nos saints avant la Révolution ! Ils étaient d’argent doré, et un art exquis, en s’ajoutant au précieux métal, en avait fait de véritables joyaux.
FETES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 9ème partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale
Au XVIIème siècle, le Père Rapine et au XVIIIème siècle, Baugier ont décrit ces anciens reliquaires dans le plus grand détail. La description de la châsse de Saint Memmie, que nous tenons du premier, est une sorte de photographie. Espérons que la piété des fidèles aidera bientôt Mgr l’évêque à rendre aux reliques de Saint Memmie cette antique parure, dont la dévotion de nos pères les avait généreusement dotées. L’ancienne châsse remontait à 1317.
« Ceste chasse est grande, dit le P. Rapine dans son vieux langage, et richement élabourée en forme de cercueil, toute couverte et entourée en haut et en bas, et aux costez, d’images d’argent doré en relief. Au bas estage du long de la chasse, vous remarquez, de chaque costé, six evesques revestus pontificalement. E, l’un S. Sixte, apostre de Reims, S. Euchaire, apostre de Trèves, S. Savinian de Sens, S. Sinice de Soissons et S. Mansuet, tous contemporains de S. Menje (Memmie). De l’autre costé, vous y voyez Sainct Lucian evesque de Beauvais, S. Didier martyr de Langres, S. Alpin, huitiesme evesque de Chaalons, S. Elaphe dix septiesme, S. Ludmier dix huistiesme evesque de la mesme ville, et S. Augustin chef des religieux de l’abbaye de Sainct Menje. Toutes ces images sont en bosse, rondes et d’argent doré. De front, ou du bout de devant, il y a de mesme matière et forme trois images d’argent relevées : celle de sainct Menje au milieu, de S. Donatian d’un costé, et de l’autre S. Domitian, tous trois en habits d’evesque. A l’autre bout, ou au dos de la chasse, sont representez trois Vierges de mesme etoffe ; au milieu des deux est saincte Pome, sœur de S. Menje, qui repose avec son sainct frère en la mesme chasse. Le dome ou couverture est aussi d’argent, ou sont representez diverses images semblablement en relief et d’argent doré ».
En novembre 1793, quand l’ordre fut donné à la municipalité de Saint Memmie de porter à la préfecture les matières précieuses enlevées à l’église de notre saint, on y déposa plusieurs plaques d’argent et quarante statues provenant des châsses, et pesant ensemble 144 marcs, environ 36 kilogrammes d’argent. Les Bollandistes n’exagéraient donc pas en qualifiant les châsses de nos saints : un monument immortel de la vénération des Châlonnais envers leur saint Patron.
Mais heureusement la Révolution, en nous prenant les ornements de nos châsses, nous a laissé un trésor mille fois plus précieux : les ossements sacrés de ces saints de notre région qui, au dire d’un grand docteur, sont, après Dieu, nos meilleures ressources.
FETES RELIGIEUSES DE SAINT MEMMIE ( 10ème partie )
Récit des fêtes par M. le Chanoine LUCOT
Curé-Archiprêtre de la Cathédrale
Voilà pourquoi la translation de leurs dépouilles s’est faite avec une si grande pompe, de l’ancienne église où elles étaient encore, à la nouvelle édifiée et consacrée pour les recevoir. Comment décrire ce magnifique cortège, ces longues files de vierges en blanc, marchant sous leurs bannières et ouvrant la procession, les lévites et les prêtres suivant avec ordre et entourant les châsses des saints que les habitants de Saint Memmie avaient tenu à honorer de porter eux-mêmes, les six évêques en chappe, mîtrés et crossés, distribuant leur bénédiction à la foule empressée, ces beaux chants liturgiques qui alternaient avec l’excellente musique de l’Ecole d’artillerie, rehaussant cette fête populaire et lui donnant sa vraie signification ? C’était bien un écho du ciel, comme un prélude de la fête du Thabor que l’Eglise allait célébrer le lendemain[1].
Les rues que devait traverser le cortège présentaient le plus bel aspect. Ce n’étaient que festons, oriflammes, fleurs et verdure parfaitement disposés. Les devises célébraient Saint Memmie et ses compagnons, leur vie et leurs vertus, leur gloire dans le passé et dans le présent. La meilleure part appartenait naturellement au chef de cette famille d’apôtres.
Aussitôt que la procession fut parvenue à l’église, les saintes reliques furent placées dans la chapelle absidale, située derrière le sanctuaire, lieu destiné à les recevoir.
La châsse de Saint Memmie repose sur son tombeau même, dont la dalle, d’une très haute antiquité, laisse très bien voir encore une figure d’évêque tenant la crosse d’une main et ayant sous les pieds, une sorte de dragon ; ce dragon, c’est l’idolâtrie que le saint Apôtre a subjuguée, avec les erreurs et les vices. Aussi, le peintre-verrier a-t-il très justement représenté ce dragon foulé aux pieds par Saint Memmie dans une de ces images dont il a décoré cette chapelle absidale.
Mais pourquoi avoir mis Saint Memmie à gauche de la Sainte Trinité, c’est-à-dire du côté de l’Epître, tandis que l’on donne le côté droit, celui de l’Evangile, à Saint Donatien ?
Il y a là une méprise qui choque toutes les traditions reçues et qui doit disparaître.
[1] C’était le lendemain, 6 août, la Transfiguration de Notre Seigneur Jésus Christ